Site logistique : le rôle des protocoles de sécurité.

Le transport routier est en première ligne des risques du travail. Encadrer les opérations par des protocoles de sécurité est obligatoire pour qui reçoit ou expédie des marchandises. Cas pratiques avec Jennifer SHETTLE, responsable du pôle information juridique à l’INRS.

Les accidents les plus fréquents ne sont pas forcément les plus spectaculaires. Saviez-vous par exemple que dans le transport routier de marchandises (TRM), 9 accidents sur 10 ont lieu véhicule à l’arrêt ? Les situations les plus à risque : Lorsqu’on accède ou qu’on descend de son camion, lors de la mise à quai, ou encore au cours des opérations de chargement, de déchargement ou du bâchage des remorques.

Plusieurs indicateurs parlent d’eux-mêmes. Selon l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), un organisme spécialisé dans la prévention des risques professionnels, plus de 5 % de la masse salariale des TPE du TRM est consacré aux cotisations destinées à indemniser les victimes d’accidents du travail ou de maladie professionnelles. Quelques 1 700 000 journées sont ainsi perdues à cause d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, soit une moyenne de 70 journées par entreprise. De fait, le TRM se place en haut du podium des accidents du travail (devant le BTP) à la fois en termes de fréquence, de gravité, et de coûts induits par ces événements. Les salariés du secteur sont 2 à 3 fois plus souvent accidentés que les autres.

Le protocole de sécurité, outil de prévention des accidents du travail

Afin d’éviter les risques liés à ces opérations et de garantir la santé et la sécurité des personnes, le Code du travail prévoit l’obligation d’élaborer un protocole de sécurité. Ce document a pour but d’évaluer les risques liés à l’interférence des différents exécutants et de coordonner les mesures de prévention prises pour éviter ces risques.

« En pratique, c’est en général suite à un accident que l’inspection du travail vérifie la bonne élaboration de protocoles de sécurité, pour établir des responsabilités, et des sanctions » indique Jennifer Shettle, responsable du pôle information juridique à l’INRS, spécialisée dans le droit du travail. « Le défaut de protocole de sécurité est sanctionné d’une amende de 10 000 € appliquée autant de fois que de salariés de l’entreprise concernés par l’infraction (Art. L. 4741-1 du Code du travail ), sans préjudice des conséquences possibles au plan de la législation des accidents du travail, voire d’éventuelles poursuites pour homicide ou blessures involontaires. »

Chargement, circulation, stationnement…

Dès qu’une entreprise de transport de marchandises fait pénétrer un véhicule dans une entreprise d’accueil, quelle que soit sa taille et le type de VI ou VUL, en vue d’une opération de chargement ou de déchargement, la rédaction d’un protocole de sécurité est obligatoire.

« Toutes les entreprises sont concernées, qu’elles soient industrielles, commerciales ou agricoles, si elles expédient ou reçoivent des marchandises ; ainsi que les sociétés opérant dans la location de véhicules avec conducteur, dans le transport pour leur propre compte, et les commissionnaires s’ils effectuent les opérations de transport », ajoute la juriste. Et de préciser que, selon la Cour de cassation (jugement du 12 avril 2005, n° 04-82717), « la notion de chargement ou de déchargement doit s’entendre comme couvrant la période comprise entre le moment où le représentant de l’entreprise extérieure se présente à l’entrée du site utilisateur et celui où il le quitte, de sorte qu’elle englobe l’ensemble des actes concourant à la mise en place ou à la dépose des marchandises, y compris la circulation et le stationnement du véhicule sur ce site ».

Ces étapes sont à prendre en considération dans les protocoles de sécurité :

  • la circulation du véhicule dans l’enceinte de l’entreprise d’accueil, c’est-à-dire l’établissement, mais aussi dans les dépendances et les chantiers situés à proximité et où il existe des interférences d’activités.
  • l’accès aux postes de chargement et de déchargement (en cas de mise à quai par exemple)
  • les opérations de préparation du véhicule (bâchage, arrimage, débâchage).

Que contient le protocole de sécurité ?

Le protocole doit comprendre toutes les indications et informations utiles à l’évaluation des risques ainsi que les mesures de prévention et de sécurité qui doivent être observées à chacune des phases de sa réalisation (3. Art. R. 4515-5 du Code du travail).

Pour l’entreprise d’accueil :

Ainsi, pour l’entreprise qui reçoit des véhicules de transport sur son site, il faut spécifier :
– les consignes de sécurité, particulièrement celles qui concernent l’opération de chargement ou de déchargement,
– le lieu de livraison ou de prise en charge, les modalités d’accès et de stationnement accompagnées d’un plan et des consignes de circulation,
–  les matériels et engins spécifiques utilisés,
–  les moyens de secours en cas d’accident ou d’incident,
–  l’identité du responsable désigné par l’entreprise d’accueil, auquel l’employeur délègue, le cas échéant, ses attributions (Art. R. 4515-6).

Pour le transporteur :

Pour l’entreprise qui vient charger ou décharger, le protocole contient :
– les caractéristiques du véhicule, son aménagement et ses équipements,
– la nature et le conditionnement de la marchandise,
– les précautions ou sujétions particulières résultant de la nature des substances ou produits transportés, notamment celles imposées par la réglementation relative au transport de matières dangereuses (Art. R. 4515-7).

« Le protocole de sécurité doit être suffisamment précis et complet, complète Jennifer Shettle. Un accord-cadre conclu entre un transporteur et une entreprise d’accueil, ne contenant que des informations parcellaires sur les conditions opérationnelles de chargement, de transport ou de déchargement, à l’exclusion de toute consigne de sécurité précise, ne saurait s’analyser comme un protocole de sécurité pour la Cour de cassation (Art. R. 4515-11).

En tout état de cause, en cas d’accident ou de contentieux, au-delà de la question du signataire du protocole, les magistrats vérifieront que la démarche d’évaluation des risques et de coordination de la prévention a bien été réalisée. L’existence de protocoles de sécurité signés pourrait n’avoir qu’une valeur juridique modeste si, dans le même temps, la démarche d’évaluation des risques et de coordination de la prévention tout au long de l’opération de chargement ou de déchargement n’a pas été menée correctement ou a été menée par une personne qui n’avait pas les compétences pour le faire. Précisons enfin que dans le contexte de la crise sanitaire, les entreprises doivent ajouter à leurs protocoles existants des recommandations complémentaires, tels que le fait de se laver les mains régulièrement, de multiplier l’affichage des mesures barrière, etc.« 

Les obligations du chargeur et du transporteur

Le protocole de sécurité doit faire l’objet d’un document écrit, daté et signé. Il doit être établi dans le cadre d’un échange entre les deux entreprises (accueil et transporteur) préalablement à la réalisation de l’opération de chargement et déchargement. Si l’opération est répétitive ou régulière — c’est-à-dire qu’elle porte sur des produits ou substances de même nature, et accomplie sur les mêmes emplacements, selon le même mode opératoire et met en œuvre les mêmes types de véhicules et de matériels de manutention — le protocole est réalisé au début du contrat de transport et peut faire l’objet de mises à jour. Le protocole de sécurité peut être transmis par des moyens dématérialisés.

Des responsabilités engagées pour tous les acteurs

De part et d’autre, les responsabilités de l’entreprise d’accueil et du transporteur sont engagées. « À titre d’exemple, alors qu’un salarié avait été blessé lors d’une opération de chargement de marchandises, la Cour de cassation a énoncé que l’employeur de l’établissement utilisateur devait être considéré comme auteur indirect de l’accident, coupable d’une faute caractérisée, ayant permis la réalisation du dommage, en raison de l’élaboration d’un protocole de sécurité insuffisant, ne contenant que des informations parcellaires avec des consignes de sécurité pas assez précises », rapporte Jennifer Shettle (Chambre criminelle de la Cour de cassation, 28 mars 2006, n° 05-84298).

Quant au transporteur, il reste responsable de l’application des mesures nécessaires à la protection de son personnel. « Pour les magistrats de la Cour de cassation, l’insuffisance des dispositions du protocole de sécurité concernant l’aménagement des zones de stationnement des véhicules et de circulation tant du matériel de manutention que des salariés des deux entreprises, constitue, notamment de la part du transporteur, une violation délibérée d’une obligation de sécurité et une faute caractérisée (Chambre criminelle de la Cour de cassation, 30 mai 2007, n° 06-87564) », conclut l’experte de l’INRS.

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Un commentaire Ajouter un commentaire

  1. vialog dit :

    merci pour toutes ces nouvelles données sur les principes de sécurité d’un site logistique qui est parfois très grand.

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