Vérifier la régularité de son cocontractant n’est pas une option ! La loi dite d’obligation de vigilance touche les chargeurs comme les transporteurs donneurs d’ordres. Pour rester dans les clous, mieux vaut se montrer rigoureux, quitte à faire appel à un prestataire spécialisé.
L’obligation de vigilance, ce n’est pas très compliqué, mais un rien fastidieux, et risqué pour qui fait appel à un prestataire sans vérifier sa conformité. Car en cas de manquement, l’addition peut être très salée. Si ce texte touche tous les secteurs d’activité, il affecte particulièrement le transport routier de marchandises. « Le transporteur est doublement impacté en tant que sous-traitant d’un chargeur industriel par exemple, ou en tant que donneur d’ordre vis-à-vis d’un confrère », indique tout d’abord Loïc Grevelinger, avocat spécialisé en droit du travail dans le transport routier de marchandises et de voyageurs, partenaire de la FNTR. « Selon les cas, le patron de flotte est dans la position de vérifier, ou d’être vérifié. L’obligation de vigilance appartient au code du travail, mais en pratique, la question se pose surtout en droit commercial. En effet, cette notion touche moins à ses propres salariés qu’aux salariés de ces cocontractants. »
Que recouvre l’obligation de vigilance ?
Pour cadrer la problématique, l’avocat rappelle les points principaux. L’obligation de vigilance exige de vérifier que l’entreprise avec laquelle on contracte est en règle. Et de pouvoir le prouver en présentant plusieurs documents obligatoires :
– L’attestation de vigilance URSSAF (attestation de fourniture de déclaration sociale et de paiement des cotisations et contributions de Sécurité Sociale) datant de moins de 6 mois, dont il faudra vérifier l’authenticité (n° d’authentification)
– L’extrait KBIS (ou carte d’identification auprès du répertoire des métiers ou document comportant certaines mentions ou récépissé du dépôt de déclaration auprès d’un CFE – centre de formalités des entreprises)
– Une attestation sur l’honneur de l’emploi régulier des salariés
« Outre ces trois documents généraux, une documentation complémentaire sur les travailleurs étrangers est nécessaire, même si elle ne fait pas parti textuellement de l’obligation de vigilance, précise Loïc Grevelinger. Il faut pouvoir présenter une liste nominative et une autorisation de travail (date d’embauche, nationalité, type et n° d’autorisation de travail). »
Comment ca fonctionne ?
Le donneur d’ordre doit fournir ces documents à la conclusion du contrat – qui peut être oral ou écrit. Dans le TRM, à défaut d’un accord spécifique écrit, c’est le contrat type qui s’applique de plein droit. Puis il doit mettre ces documents à jour de manière régulière, au moins tous les six mois. Avec une condition préalable : que le contrat représente plus de 5000 € HT.
« En conséquence, les transports « spot » de quelques palettes ne sont pas concernés, à l’inverse des transports réguliers, notamment dans le cadre de location de véhicules industriels avec conducteur, développe l’avocat. Au niveau technique, récupérer ces documents ne pose pas de difficultés particulières. Il suffit d’en faire la demande en ligne. Toutefois, la question doit être envisagée de manière extrêmement rigoureuse par les entreprises. Car en cas de contrôle et d’irrégularités sur la législation en vigueur, un procès-verbal est établi pour travail dissimulé, à minima. Ce procès-verbal est adressé au ministère public et peut mener à une condamnation, quelques mois ou quelques années plus tard. Mais d’ores et déjà, l’URSSAF se saisit de l’affaire pénale, ce qui peut mener à une sanction au titre de la solidarité donneur d’ordre – sous-traitant en l’absence de vérification. »
La solidarité du donneur d’ordre peut mener loin…
Le donneur d’ordre est alors tenu solidairement de plusieurs choses : le paiement des impôts, des taxes et des cotisations obligatoires du sous-traitant au trésor public et aux organismes de protection sociale ; le remboursement des aides publiques le cas échéant ; et la solidarité au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par le sous-traitant à raison de l’emploi des salariés. L’addition peut être lourde !
« La notion de solidarité va donc extrêmement loin », souligne Loïc Grevelinger, qui rappelle que sur le fond, l’obligation de vigilance a été créée pour mettre un frein à tout travail dissimulé, en engageant la responsabilité du donneur d’ordre qui se porte garant. « Ce n’est pas rien. Les conséquences financières peuvent être très importantes. »
Comment gérer la conformité de mes fournisseurs ?
Le constat posé, comment procéder pour recueillir et tenir à jour tous ces documents ? « La problématique est différente selon la taille de l’entreprise de transport, répond l’avocat. Une petite boîte pourra s’en sortir à l’aide d’un tableau Excel associé à des alertes sur un calendrier Outlook par exemple. Mais si l’on gère des volumes de sous-traitance conséquent, mieux vaut faire appel à un prestataire spécialisé. D’autant que nombre de PME sont également commissionnaires. N’oublions pas cette contrainte des six mois ! C’est vite couru… Dans le transport, les chefs d’entreprise ont peu de temps, beaucoup sont également au volant. C’est pourquoi nous leur conseillons la plus grande prudence. »
De fait, de plus en plus d’acteurs de la chaîne logistique se tournent vers des sociétés gestionnaires documentaires. « Le prestataire dispose des mandats nécessaires pour obtenir les papiers voulus en lieu et place de son client. L’avantage est de mutualiser la base de données des documents légaux, souligne l’avocat. Les donneurs d’ordre peuvent « piocher » dans les entreprises déjà référencées. Le dispositif est très bien pensé. Compte tenu du risque économique d’une part, mais aussi de l’attractivité que représente ce référencement pour les donneurs d’ordre, les petits transporteurs ont tout intérêt à s’inscrire. »
Pour en savoir plus :
La solidarité financière du donneur d’ordre sur le site URSSAF
Textes de lois sur la solidarité financière du donneur d’ordres – Code du Travail :