Nous vous l’avons annoncé il y a quelques semaines : B2PWeb poursuit son développement en Espagne en y installant une équipe commerciale dédiée. Pour soutenir ce déploiement, GEFCO a décidé de mettre en priorité ses offres de fret sur notre bourse de fret !
C’est l’occasion pour nous de faire un tour chez nos voisins et amis espagnols pour vous en dire un peu plus sur le transport de marchandises de l’autre côté des Pyrénées.

Pour commencer, comment les marchandises sont-elles transportées en Espagne : Par la route ? Les airs ? L’eau ?
Compte tenu de l’ensemble des côtes maritimes qui entoure la péninsule ibérique, nous pourrions penser que la mer est la principale voie d’acheminement des marchandises. Hé bien non ! Même si elle prend une large part du transport de marchandises, c’est la route qui l’emporte haut la main ! En effet, 95% (*) du transport de marchandises passe par le réseau routier. Quant au transport fluvial, il est inexistant dans le pays. Le transport ferroviaire pour sa part, a une très faible importance.
55 conventions collectives dans le transport routier de marchandises
La particularité de l’Espagne est que le pays est divisé en régions, qui ont chacune leur propre gouvernance. Au niveau du transport routier, il y a ainsi 55 conventions collectives qui correspondent à peu près à l’ensemble des régions (*). Cette pluralité de conventions entraîne des disparités dans les conditions de travail des salariés, il peut y avoir des écarts de salaires importants d’un salarié d’une région à l’autre. Il n’est pas facile alors de fédérer l’ensemble des transporteurs. Il existe bien évidemment quelques associations ou fédérations mais elles n’ont pas le même rôle qu’en France.
De plus, 94% des entreprises de transport routier en Espagne sont des entreprises de moins de 10 salariés et la moitié sont des artisans installés à leur compte. Ces derniers ne peuvent pas avoir les mêmes besoins que les quelques grands noms du transport.
Il est donc difficile pour les transporteurs d’obtenir l’adhésion de tous pour faire bloc face aux difficultés. Ce fût le cas dernièrement avec les difficultés qu’ils ont rencontrées, comme leurs homologues français, face à l’augmentation du coût du carburant.
Du temps pour se faire entendre
En effet, mi mars, certains avaient décidé de faire grève et avaient fait ainsi des blocages. Le mouvement ayant été d’abord lancé par les « petits », il leur a fallu attendre quelques jours avant de se faire entendre. Ce qui a mis les chaînes d’approvisionnement sous tension. Les rayons des supermarchés n’ont plus été réapprovisionnés, certaines usines ont fermé et de plus en plus de transporteurs avaient rejoint le mouvement. Depuis, le gouvernement a mis en œuvre une aide directe de 20 centimes de réduction par litre de carburant. De nouvelles aides directes aux entreprises sont en cours d’attribution, la chaine d’approvisionnement a ainsi pu reprendre son cours.
Du transport vers l’Europe
Comme dans les autres pays, les transporteurs espagnols ont du mal à recruter des conducteurs. En effet, ces derniers souhaitent rentrer chez eux le soir et ne veulent pas faire de la longue. Une bonne partie du transport international est du transport frigorifique et de l’industrie automobile vers l’Europe. Deux grands axes routiers majeurs définissent le transport en Espagne : le corridor méditerranéen qui est la route qui « longe » la Méditerranée, de l’Andalousie à la France; l’autre corridor, qui part du Portugal, centre, ouest et nord de l’Espagne et conduit jusqu’au Pays Basque.

Le corridor méditerranéen est particulièrement exploité 6 mois de l’année, « en saison », ce qui en fait un réseau extrêmement chargé (on décompte 5 000 camions par jour sur cet axe). Ce qui engendre bien évidemment le mécontentement de la population les jours de départs en vacances !
Des méga-camions en Espagne et au Portugal
Concernant l’environnement, les entreprises du secteur multiplient leurs efforts pour réduire leur empreinte carbone: renouvellement de leur flotte avec des véhicules EURO6, formation à la conduite économique, optimisation des itinéraires, mais aussi une particularité de la péninsule ibérique est la circulation de méga-camions ! Ces camions à deux remorques, certes pas nombreux, qui sont autorisés à circuler sur les routes d’Espagne et du Portugal. Ils oscillent entre 25 et 31 m de longueur ….
Vous connaissez maintenant le transport routier de marchandises en Espagne dans ses grandes lignes. Mais de quelles marchandises parle-t-on ????

De soleil ! De soleil et de vitamines en provenance directe de l’Andalousie, de Murcia et de la Comunidad Valenciana, plus communément appelés « La huerta de Europa », le verger de l’Espagne ! Des fruits et légumes, de l’huile d’olive à mettre direct dans votre assiette pour enchanter vos papilles …
(*) sources Etude « Le transport routier de marchandises espagnol » de 2020 du CNR
Ah, l’Espagne et ses camions ! Ce pays où 95% des marchandises prennent la route, comme si le réseau routier était une immense tapas géante à parcourir d’un bout à l’autre… Quel merveilleux paradoxe que ces 55 conventions collectives, une pour chaque région, comme autant de recettes différentes de paella logistique !
Ces transporteurs, artisans pour la plupart, sont les toreros modernes de l’autoroute, affrontant les méga-camions comme d’autres le feraient avec des taureaux – 25 mètres de long, quand même ! De quoi donner des sueurs froides aux automobilistes croisés sur le corridor méditerranéen, cette Mecque des semi-remorques où 5 000 camions défilent chaque jour, plus nombreux que les pèlerins de Saint-Jacques.
Et ces grèves récentes, où les petits transporteurs ont dû attendre pour se faire entendre… Comme si l’on avait voulu étouffer leur colère sous un tapis d’olives. Heureusement, le gouvernement a fini par lâcher 20 centimes de réduction sur le carburant – une aumône bienvenue, mais qui ne suffira pas à calmer la faim des moteurs diesel.
Quant aux conducteurs qui refusent de faire de la longue distance, préférant rentrer chez eux le soir… Qui pourrait leur en vouloir ? Même Don Quichotte, s’il était routier aujourd’hui, préférerait sans doute une livraison locale à une chevauchée fantastique vers l’Europe du Nord.
Mais le plus savoureux dans tout cela ? Ces fruits et légumes andalous, ces vitamines ensoleillées qui traversent le continent dans des frigos roulants… Voilà bien la vraie richesse de l’Espagne : non pas l’or, mais les tomates, les oranges et l’huile d’olive, convoyés vers nos assiettes avec une efficacité qui ferait rougir les conquistadors.
En somme, le transport espagnol est comme une bonne tortilla : simple en apparence, mais terriblement complexe à réussir. Et quand les ingrédients manquent – conducteurs, carburant, ou routes assez larges – le plat peut vite tourner à l’aigre. »
Signé : Un amateur de routes sinueuses et de livraisons à l’heure.
PS : Si Cervantes écrivait aujourd’hui, Sancho Pança serait sans doute un livreur indépendant… et Dulcinée, une palette à livrer en urgence.