La facture électronique, c’est maintenant ou presque ! Dans les 2 à 4 ans qui viennent, les entreprises devront pouvoir intégrer et émettre de nouveaux formats de documents. Le point sur la maturité du marché et les perspectives de la dématérialisation.
Le calendrier tout d’abord. Depuis le 1er janvier 2020, toutes les structures ont pour obligation d’émettre leurs factures à destination d’entités publiques au format électronique. Cette démarche répond à l’ordonnance du 26 juin 2014. L’ensemble de ces factures transite via la plateforme Chorus Pro, pour un total de près de 140 millions de factures échangées depuis 2017 selon les Pouvoirs Publics.
La dématérialisation de la facture de vente va se généraliser aux échanges interentreprises (B2B) pour une mise en application entre 2024 et 2026. En effet, une étape supplémentaire va être franchie avec l’entrée en vigueur de la loi des finances 2020 qui rend obligatoire la facturation électronique à toutes entreprises assujetties à la TVA.
Les prochaines étapes de la facture électronique
1er juillet 2024
- Obligation d’accepter des factures au format électronique pour toutes les entreprises
- Obligation pour les grandes entreprises d’émettre leurs factures au format électronique
1er janvier 2025
- Obligation pour les ETI (+250 salariés) de transmettre leurs factures au format électronique
1er janvier 2026
- Obligation pour les TPE et PME d’émettre leurs factures au format électronique
La facture papier encore très présente
Si la plupart des PME témoignent de processus déjà largement informatisés, et utilisent un logiciel de transport (TMS), la facture est un peu la dernière frontière numérique, comme l’explique Christelle Bretaudeau, consultante et formatrice spécialisée dans le TRM, directrice de la société de conseil Performance : « Beaucoup d’entreprises de transport conservent un traitement manuel des factures sous format papier, même quand elles sont équipées d’un TMS intégrant la facturation électronique. Elles rapportent une certaine appréhension vis-à-vis de leurs clients, qui auraient du mal à gérer un format numérique. Il est vrai qu’auparavant, jusqu’à il y a cinq ans environ, il était nécessaire d’obtenir l’autorisation de son client pour envoyer des factures par courrier électronique. Aujourd’hui c’est l’inverse. La dématérialisation s’impose progressivement à toutes les entreprises. »
Courrier ou mail, il faut choisir !
Le problème n’est donc pas technologique, mais réside plutôt dans une méconnaissance de la réglementation et un attachement persistant au document papier jugé plus sécurisant.
« En pratique, la plupart des TMS proposent des modèles de factures électroniques paramétrables, afin de produire des PDF aux couleurs de l’entreprise (en tête, logos, conditions générales de vente etc.), qui sont envoyés par mail. Précisons que pour le moment, il n’existe pas d’obligation de présenter un PDF certifié, donc portant un certificat d’authentification de l’émetteur, poursuit Christelle Bretaudeau. On ne peut pas, comme ont encore tendance à le faire beaucoup de PME, à la fois produire un document électronique mais aussi l’imprimer, le numériser puis envoyer ce scan par mail au client. La rupture du process numérique est interdite. »
Déposer ses factures électroniques sur un portail
Certains transporteurs craignent qu’une facture envoyée par mail ne soit pas réceptionnée. S’ils ne disposent pas de preuve de lecture du courrier électronique, cela est aussi vrai du postal, sauf à envoyer ses factures par recommandé.
Mais des alternatives existent, explique Christelle Bretaudeau : « De plus en plus de TMS proposent de déposer les factures sur un portail – un espace Internet sécurisé par un identifiant et un mot de passe, où apparaissent également les commandes saisies par les clients et les émargés. Parallèlement, le TMS envoie un e-mail de notification aux clients pour les prévenir qu’une nouvelle facture est disponible. Il existe bien alors une preuve de lecture horodatée. Ce processus permet de mettre à disposition facilement une facture associée à nombre d’émargés correspondant aux opérations du mois, par exemple. Quand les volumes sont importants, c’est bien pratique, mieux que le mail qui au-delà d’un certain poids, peut bloquer. »
« Cela étant, il existe une autre pratique difficile à éradiquer, que l’on rencontre trop souvent : le transporteur effectue un double envoi de sa facture par mail et par dépose sur un portail. Mais comme il craint que son client n’ait pas conservé ses identifiants, il les indique sur la facture ! Ce qui est bien contraire à toutes les règles de confidentialité et de sécurité. Naturellement, comme nous en avons tous l’habitude, il est toujours possible de cocher la case “mot de passe oublié” lorsque c’est nécessaire. Rappelons aussi l’importance de produire des mots de passe complexes, surtout dans le cadre professionnel et d’utiliser uniquement des portails sécurisés https. »
La Factur-X, format standard homme-machine
Depuis le 1er janvier 2020, une nouvelle solution se présente donc aux entreprises : la Factur-X est un format de facture électronique conçu pour répondre à la norme européenne EN16931 qui impose un standard européen en la matière. Le but est de simplifier les échanges et la dématérialisation fiscale entre les pays membres de l’UE. Il s’agit d’un format mixte, intégrant un PDF au format A3, représentation de la facture originale ; et un fichier XML, qui regroupe les données structurées pour automatiser l’analyse, le traitement et l’intégration comptable de la facture émise dans un logiciel de facturation sans intervention humaine.
Autrement dit, la Factur-X possède deux faces. La première est exploitable par un humain. La seconde a vocation à être intégrée automatiquement dans un système informatique.
Les progiciels bientôt à la page de la facture électronique
« Devant cette obligation réglementaire, les éditeurs de TMS commencent à s’adapter au nouveau protocole, constate Christelle Bretaudeau. Nous devrions voir apparaître de nouvelles offres en ce sens. L’enjeu est également celui des donneurs d’ordres qui devront être capables de traiter ces nouvelles factures. Il faut rappeler que les transporteurs travaillent avec de nombreux équipementiers, souvent de grands groupes qui auront l’obligation d’émettre leurs factures au format électronique dès l’été 2024.
D’un côté comme de l’autre de la chaîne logistique, les transporteurs vont vite être confrontés à la factur-X dans leur comptabilité. »
Nous verrons dans les mois à venir comment s’organise ce marché. Mais une chose est sûre : un transporteur qui prépare aujourd’hui l’achat d’une solution de comptabilité, de gestion électronique des documents, ou d’un logiciel de transport, doit aborder cette question avec ses prestataires potentiels.
Le fichier XML embarqué dans le PDF
« La partie XML s’apparente à du paiement de factures par EDI, ajoute la consultante. La facture PDF reprend toutes les commandes du mois, avec les unités transportées, les points de chargement et de déchargement. Le fichier XML embarqué dans le PDF reprend les lignes de commandes et les tarifs associés, pour être intégré directement dans un progiciel. Ce format XML est le plus lisible, mais aussi le plus communément utilisé, donc facile à intégrer. »
« Factur-X est composée d’un fichier structuré de données et d’un lisible sous format PDF. »
« L’ensemble des informations présentes dans le fichier structuré doit être présent dans la représentation PDF, ce qui constitue un engagement de l’émetteur de la facture vis-à-vis du destinataire. Ceci s’applique également à la cohérence d’ensemble des informations contenues, notamment en ce qui concerne les calculs appliqués au sein de la facture (au niveau des lignes, du pied de facture et du détail de TVA) », précise pour sa part Le Forum National de la Facture Electronique et des Marchés Publics Electroniques (FNFE-MPE), une association qui affiche pour mission de permettre la plus large concertation entre tous les acteurs publics et privés français dans le contexte du déploiement de la facture électronique.
Données exploitables par des traitements informatisés
« Il s’agit pour les entreprises d’échanger des factures sous forme de données exploitables par des traitements informatisés. C’est le domaine de l’EDI (Echange de Données Informatisées) qui a largement fait ses preuves pour des échanges de factures dont la fréquence et le volume sont importants. Toutefois, le déploiement de tels projets se heurte à la difficulté des fournisseurs à produire des factures électroniques constituées totalement de données structurées telles qu‘attendues par leurs clients et comprenant toutes les informations réglementaires requises », prévient l’association.
« La première raison est due au fait que les systèmes d’information des fournisseurs, et notamment des TPE / PME, ne disposent pas de toutes leurs informations de facturation sous forme structurée, mais sous forme de texte libre saisi à la volée lors de la facturation là où c’est possible (dans un libellé, une désignation, une ligne à vide, …), ou bien en fond de page pour certaines informations légales.
La seconde raison est que les exigences de données ou les cas métiers peuvent différer d’un acheteur à l’autre, ce qui demande au fournisseur une adaptation ou une personnalisation par le client jusque dans ses bases de données de facturation, et donc aussi une phase de test en point à point. Si le nombre de factures échangées n’est pas assez important (moins de 50 par an), le coût de mise œuvre d’un lien client – fournisseur peut être trop important par rapport aux gains attendus par chacun. »
Les avantages de la standardisation
La facturation électronique promet donc de standardiser ces échanges, et de fluidifier la transmission des factures, quels que soient les volumes.
Les Pouvoirs Publics annoncent quatre objectifs :
- Renforcer la compétitivité des entreprises grâce à l’allègement de la charge administrative, à la diminution des délais de paiement et aux gains de productivité résultant de la dématérialisation. Pour une entreprise, le coût d’une facture électronique est inférieur à celui d’un timbre poste alors que celui d’une facture papier est supérieur à 10 euros.
- Simplifier, à terme, les obligations déclaratives des entreprises en matière de TVA grâce à un pré-remplissage des déclarations.
- Améliorer la détection de la fraude, au bénéfice des opérateurs économiques de bonne foi.
- Améliorer la connaissance en temps réel de l’activité des entreprises pour permettre un pilotage de la politique économique au plus près de la réalité économique des acteurs.