Devant l’urgence climatique, mettre en œuvre une politique d’achat responsable (RSE) est devenu une nécessité, qui permet aux chargeurs d’engager un cercle vertueux avec leurs partenaires transporteurs.
Doucement, mais sûrement, des chaînes logistiques de plus en plus vertueuses se déploient sur l’Hexagone, qui transforment profondément les relations entre les chargeurs et leurs prestataires transporteurs. Comme on parle d’optimisation partagée, on peut aussi définir une responsabilité commune : la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) représente l’application des principes du développement durable selon trois piliers : environnement, social, économie.
La fonction « achats » est essentielle, puisque ceux-ci représentent en moyenne 50 % du chiffre d’affaires des sociétés en France. La gestion des relations avec les fournisseurs et la responsabilisation de l’entreprise dans l’achat des produits et services nécessaires à son activité sont de puissants leviers d’amélioration du développement durable et social.
RSE : Une préoccupation commune
Dans l’enquête « RSE : la parole aux fournisseurs ! » publiée en janvier 2020 par l’Orse (Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises) : 70% des fournisseurs déclarent être interrogés régulièrement par leurs clients sur la RSE. 79% de ces demandes sont formulées lors d’un appel d’offre. Parmi les TPE–PME, 61% des fournisseurs indiquent que les demandes RSE de leurs clients les conduisent à améliorer leur offre et processus. 49% d’entre eux initient une démarche de certification.
« Cette démarche est déjà très intégrée chez nos adhérents », affirme Fabrice Accary, Directeur Général de l’AUTF – l’organisation professionnelle des chargeurs, qui rassemble 150 grandes entreprises et 30 fédérations sectorielles. L’AUTF représente l’ensemble des entreprises qui ont des marchandises à faire transporter dans tous les modes de transport (routier, ferroviaire, fluvial, maritime ou aérien).
« Pour adhérer à l’AUTF, une entreprise doit compter dans ses rangs un responsable transport ou des achats transport. Celui-ci va gérer d’importants budgets pouvant aller jusqu’à plusieurs centaines de millions d’euros par an, constate le directeur. Ces grands groupes emploient tous également un responsable RSE. »
Le transport, émissions indirectes
Dans la chaîne logistique, une politique RSE doit se traduire par la réduction de l’impact environnemental dans les achats transports. Mais il n’est pas toujours facile pour un responsable transport de faire entendre la voix du TRM dans la politique RSE de son groupe. « Dans un bilan RSE, le TRM appartient à la troisième catégorie des émissions indirectes ou “scope 3”, tel que défini par la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Les entreprises n’ont aujourd’hui aucune obligation de reporting sur le scope 3 », explique Fabrice Accary.
En effet, les chargeurs doivent publier tous les ans un bilan environnemental des transports de marchandises et un plan d’action pour réduire leurs émissions. Mais le dispositif ne prévoit aucune sanction si les objectifs ne sont pas atteints. Aucun audit n’est d’ailleurs réalisé. De surcroît, le bilan GES n’est obligatoire que pour les entreprises de plus de 500 personnes, sur un périmètre d’émissions restreint (Scope 1 et 2) qui ne représente en général qu’une petite partie de l’empreinte carbone complète de l’entreprise.
Un effet d’entraînement
En avril 2021, le ministère de la transition écologique a communiqué sur un projet de décret proposant notamment « d’élargir le périmètre obligatoire des émissions estimées aux émissions indirectes significatives toutes catégories confondues, et de faciliter la réalisation d’un bilan consolidé pour les entreprises d’un même groupe ». Un dispositif plus contraignant pourrait donc voir le jour dans les années à venir.
« Dans le même temps, l’urgence climatique devrait engendrer un engagement de plus en plus fort des entreprises, sous la surveillance de leurs salariés, de leurs partenaires et de leurs clients, estime Fabrice Accary. Un effet d’entraînement devrait aboutir à une accélération de la transition énergétique et de l’optimisation des flux chez les transporteurs. »
Fret21 pour mieux piloter son engagement
Pour Fabrice Accary, cette émulation partagée se concrétise dans la démarche Fret21, qui s’accélère depuis deux ans. En effet, pour aider les entreprises à réduire l’impact environnemental du transport de leurs produits ou marchandises, l’AUTF et l’ADEME (rebaptisée Agence de la transition écologique) ont initié en 2015 le dispositif Fret21 avec l’appui d’une dizaine d’entreprises
A l’été 2021, 96 entreprises sont engagées, parmi lesquels Renault, Carrefour, Michelin, Monoprix, Leroy Merlin, Nestlé, Purina, Picard, Total énergie, Unilever ou encore Saint Gobain.
« Cette structure a pour ambition d’inciter les entreprises à intégrer le transport au cœur de leur stratégie RSE, ajoute Fabrice Accary. Grâce à un cadre commun et une méthodologie reconnue par les pouvoirs publics, Fret21 permet aux entreprises de piloter leur plan d’action de réduction de l’impact environnemental de leurs activités de transport et de suivre leurs résultats sur 3 ans. »
Des échanges vertueux
Cette démarche fait désormais partie intégrante du programme EVE (Engagements volontaires pour l’environnement) porté par l’ADEME avec le soutien du ministère de la Transition. EVE intègre une plateforme d’échanges de données entre transporteurs, commissionnaires et chargeurs qui permet de faire remonter les informations GES et de calculer des moyennes. »
L’un des axes de Fret 21 concerne les achats responsables. Travailler avec des prestataires spécialement sensibilisés aux problématiques de développement durable est un gage de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
« Les chargeurs sont donc amenés à sélectionner des transporteurs routiers chartés ou labellisés “Objectif CO2”. La plupart contrôlent ces indicateurs depuis plusieurs années, et sont donc en mesure de leur fournir des infos CO2 très précises. Concrètement, les chargeurs s’engagent à faire appel à des transporteurs signataires de la charte à hauteur de 60%, 70 %, ou plus, dans les trois ans » indique le directeur de l’AUTF.
Une charte relation fournisseur
« Certaines entreprises s’engagent de façon spectaculaire à réduire leurs émissions de 20 % sur trois ans. Elles y arrivent essentiellement par du report modal et par l’achat de transport roulant aux énergies « vertes », mais aussi en travaillant sur les taux de remplissage, la réorganisation des plateformes logistiques pour réduire les distances parcourues. Il existe environ 60 leviers possibles. »
Autre outil intéressant : La charte relations fournisseurs achats responsables peut aider dans la démarche RSE appliquée aux achats. Conçue en 2010 par la Médiation des entreprises et le Conseil National des Achats, elle compte aujourd’hui plus de 2000 signataires en France. Parmi ceux-ci, se retrouvent de nombreuses grandes entreprises françaises, des organismes socioprofessionnels, des fédérations mais aussi des ETI, PME et TPE issues des secteurs privé et public. A l’exemple des transports Marcy, Rousseau, Robert, LGV, Faivelet ou encore Idea.
Priorité aux acteurs locaux
La Charte Relations Fournisseurs Responsables se compose de 10 engagements. Un service achat doit considérer, en plus du coût, de la qualité et de l’éthique, une analyse du cycle de vie des produits de la fabrication jusqu’à leur valorisation. Il travaille sur la diminution des consommables et des ressources énergétiques.
Dans la chaîne d’approvisionnement, il privilégie des acteurs locaux, afin de mieux gérer les risques et les défaillances potentielles liées à la dépendance fournisseur. Ils s’efforce de créer des partenariats durables, d’acheter des produits recyclés, d’optimiser la consommation d’électricité par exemple.
Des bâtiments plus durables
Au cœur de la chaîne logistique, l’entrepôt doit aussi répondre à des exigences environnementales fortes. Un bâtiment durable répond à la certification NF HQE (haute qualité environnementale). Pour y satisfaire, il s’agit d’analyser l’ensemble des process allant de l’entrée en stock à l’expédition des commandes et d’identifier à chaque étape les sources de gaspillage et de non-valeur ajoutée pour les clients.
L’optimisation logistique est donc au cœur du sujet. Définir le bon niveau de stock, réduire les taux d’erreurs de préparation de commandes sont non seulement favorables à la bonne marche économique de l’entreprise mais contribuent à réduire la production de déchets et la consommation énergétique.